Introduction
« Manipuler? Mais non. Mes élèves sont capables de le faire sans matériel. Ça va plus vite! » J’entends cela souvent dans mon travail de conseillère pédagogique. Oui, mais… vos élèves comprennent-ils ce qu’ils font? La plupart du temps, les élèves ne comprennent pas lorsque nous prenons le raccourci d’enseigner des trucs. La manipulation en mathématiques est primordiale et elle doit être au cœur des apprentissages en mathématiques. D’ailleurs, je ne suis pas la seule à en faire la promotion. Biron et Côté (2014) et Van de Walle et Lovin (2007), entre autres, nomment que la manipulation favorise les apprentissages en rendant les concepts mathématiques plus concrets. Alors, pourquoi s’en priver?
Manipuler pour la décomposition?
Quel genre de décomposition demandez-vous à vos élèves? Souvent, je vois les 3 décompositions traditionnelles. Par exemple, voici les réponses attendues pour 62 :
60 + 2
6 dizaines et 2 unités
(6 x 10) + (2 x 1)
Qu’en est-il de 50 + 12? L’acceptez-vous? Pourquoi pas! Et ceux-ci :
100 – 38
40 + 22
10 + 52
L’utilisation du Rekenrek à 10 tiges permet de visualiser les différentes décompositions pour des nombres jusqu’à 100. Voici la représentation de 62 :
En faisant l’ancrage à 50 (les 5 premières tiges), il est possible de visualiser le 50 + 12. En regardant les billes restantes à gauche, on voit bien le 100 – 38.
Demandez à vos élèves de relever le défi de trouver le plus grand nombre de décompositions possible. Soyons créatifs!
Manipuler pour le terme manquant?
Le terme manquant, c’est le cauchemar de tous les élèves et du personnel enseignant! Essayez de faire résoudre l’équation suivante à vos élèves :
45 + 15 = ? + 28
Assurément, vous aurez de nombreux ? = 60 !
Comment y remédier? En utilisant la balance à plateaux qui permet aux élèves de comprendre que le signe d’égalité n’amène pas une réponse, mais bien une expression mathématique équivalente. Celle-ci peut comporter 1 terme, 2 termes ou plus. Pour ce faire, il faut varier la position du ? dès le début du primaire ainsi que le nombre de termes et présenter des équations telles que :
8 = ? + 2
? + 1 = 5 + 5
L’utilisation de la balance à plateaux permettra de donner une image du sens de l’égalité. La personne enseignante fera une démonstration avec une vraie balance et les élèves travailleront ensuite sur une version dessinée.
Ils pourront ainsi déposer du matériel dans les plateaux pour illustrer le calcul à faire. Par exemple, pour calculer 45 + 15 = ? + 28, on déposera le matériel suivant :
Ainsi, on verra qu’il faut ajouter 32 dans le plateau de droite pour obtenir 60 comme sur le plateau de gauche.
L’utilisation de 2 couleurs de matériel différentes permet de voir encore plus clairement le nombre ajouté pour obtenir l’égalité. Éviter de donner le truc de faire l’opération inverse, car celui-ci ne fonctionne pas dans tous les cas.
Manipuler pour calculer la moyenne?
« Calculer une moyenne? C’est facile! Tu n’as qu’à additionner et puis à diviser par le nombre de termes additionnés. »
« D’accord. Maintenant, pouvez-vous calculer la moyenne inversée? »
Voyons par exemple, le petit problème suivant :
Voici le nombre de buts comptés par Clothilde lors de ses dernières parties de hockey :
Partie 1
4 buts
Partie 2
1 but
Partie 3
2 buts
Partie 4
?
Elle sait que sa moyenne est de 2 buts par partie. Combien de buts a-t-elle comptés lors de la 4e partie?
En utilisant les blocs emboitables, il est plus facile de trouver la réponse. On débute en dessinant 4 cercles qui représentent les 4 parties et on dépose les cubes représentant chacune des parties.
On répartit ensuite les cubes également dans chacun des cercles, car c’est ce que représente la moyenne. Il s’agit du nombre de buts qu’il y aurait eu à chaque partie si ce nombre était toujours pareil. Dans ce cas-ci, on parle de 2 buts par partie en moyenne.
On rassemble ensuite tous les cubes pour les redistribuer selon les valeurs déjà connues : 4 cubes dans le premier cercle pour la partie 1, 1 cube pour la partie 2, etc.
Ainsi, on voit qu’il ne reste que 1 cube pour la dernière partie. C’est beaucoup plus simple ainsi que d’essayer de refaire les opérations à l’inverse! Alors, n’hésitez pas à sortir le matériel de manipulation, même pour les élèves du troisième cycle. En rendant les apprentissages plus concrets, on ne peut que les aider!
Pour aller plus loin
Charbonneau, C. (2019). La manipulation en mathématique au cœur des apprentissages. 8 à 12 ans. Activités et conseils pour un enseignement plus concret. Montréal : Chenelière Éducation.
Charbonneau, C. (2021). La manipulation en mathématique au cœur des apprentissages. 6 à 8 ans. Activités et conseils pour un enseignement plus concret. Montréal : Chenelière Éducation.
Biron, D. et Côté, L. (2014). La manipulation et l’expérimentation en mathématiques : un duo que l’on gagne à exploiter davantage. Vivre le primaire, 27(4), p. 30-33.
Van de Walle, J. A. et Lovin, L. H. (2007). L’enseignement des mathématiques. L’élève au centre de son apprentissage (tome 1). Saint-Laurent, Québec : ERPI.
Ministère de l’Éducation de l’Ontario. (2005). Guide d’enseignement efficace des mathématiques de la maternelle à la 6e année. Numération et sens du nombre. Repéré à www.atelier.om.ca/edu/resources/guides/GEE_math_M_3_NSN.pdf.
Un peu plus sur l'autrice
Je suis conseillère pédagogique de mathématiques au Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe depuis 12 ans. Je détiens une maitrise en éducation de l’Université de Sherbrooke. Je donne régulièrement des conférences sur l’enseignement des mathématiques dans les universités et dans les congrès. J’ai publié 3 ouvrages dont 2 sur la manipulation en mathématique et un, le petit dernier, sur l’utilisation de la littérature jeunesse dans l’enseignement des mathématiques.