La phrase du jour : 3 astuces pour tirer profit de cette pratique riche auprès de tous vos élèves
Introduction
Vous connaissez probablement cette activité largement utilisée dans les classes du Québec, connue sous le nom de « la phrase du jour » ou « la phrase dictée du jour ». Bien qu’elle ne soit pas toujours dictée, elle est pratiquée de différentes manières et peut s’avérer extrêmement bénéfique pour les élèves. Dans cet article, nous explorerons comment l’intégrer de manière efficace dans votre classe, en mettant l’accent sur le développement du métalangage et la réflexion orthographique. Vous découvrirez 3 astuces pour rendre cette activité quotidienne plus inclusive et accessible à tous vos élèves.
Avant toute chose : qu’est-ce que la phrase du jour ?
Le principe est assez simple, une phrase est judicieusement choisie et dictée aux élèves. Une fois écrite, les élèves entrent en phase d’argumentation collective et portent plusieurs graphies au tableau au fur et à mesure qu’ils se questionnent. Finalement, l’enseignant fait un récapitulatif du bon raisonnement. * Mentionnons que, généralement, les erreurs d’orthographe lexicale sont rapidement corrigées pour laisser place au débat sur l’orthographe grammaticale en utilisant comme preuve les manipulations syntaxiques.
Les avantages, lorsque la phase du jour est menée de manière efficace et inclusive, sont nombreux :
- Les élèves apprennent à douter de leur orthographe ;
- Des discussions émergent autour des résolutions de problèmes grammaticales ;
- L’enseignant a accès aux conceptions des élèves ;
- Les élèves prennent conscience de leur degré de maîtrise et peuvent mesurer leurs progrès dans le temps ;
- Il est facile de réinvestir des notions préalablement travaillées ;
- Un climat de coopération et de dédramatisation de l’erreur est en place.
Il est donc essentiel, pour nos élèves ayant des défis d’apprentissage (et tous les autres !), de tirer pleinement parti de la richesse de la phrase du jour en la transformant en un véritable moment d’apprentissage et de partage. En l’intégrant de manière interactive et en donnant à nos élèves l’occasion d’exprimer leurs idées, de défendre leurs opinions et de comprendre celles des autres, nous leur permettons de développer leurs compétences linguistiques, leur pensée critique et leur capacité à s’exprimer de manière claire et articulée tout en favorisant un climat de classe inclusif et respectueux.
3 conseils pour rendre vos phrases du jour plus inclusives
Parfois, même sans nous en rendre compte, nous créons des obstacles à l’apprentissage pour certains élèves lors de cette pratique. Afin que la tâche soit accessible à tous et pour en tirer avantage au maximum, voici quelques astuces basées sur les fondements de la pédagogie inclusive :
- Varier les types de phrases du jour (dictée ou non, intentions et consignes variées, en grand groupe ou en dyade) ainsi que les médiums utilisés (au tableau, dans un cahier, à l’ordinateur) pour soutenir tous les élèves et permettre un partage de conceptions et raisonnements.
- Rendre le moment riche et signifiant en fonction de l’intention pédagogique (réinvestissement de notions préalablement travaillées par rapport au point d’enseignement, utilisation de la littérature jeunesse)
- Être un modèle lors des rétroactions en utilisant le métalangage adéquat et les manipulations syntaxiques en tout temps.
Des réponses à vos questions pour la mise en place de la phrase du jour
En tant qu’orthopédagogue, je peux vous affirmer que faire une phrase du jour bien menée chaque jour présente de nombreux avantages en orthographe. Cependant, je suis consciente de la réalité en classe, et je sais qu’il n’est pas toujours réaliste de consacrer du temps chaque jour à cette activité, même si elle ne dure que 20 minutes. Si vous avez la possibilité de le faire quotidiennement, c’est excellent. Je crois qu’en combinant la phrase du jour avec d’autres pratiques pédagogiques efficaces pour travailler l’orthographe, il ne serait pas nécessaire de la faire tous les jours.
Dans ma classe d’adaptation scolaire, je choisissais de la réaliser deux fois par semaine, en l’associant à un atelier de négociation graphique avec des élèves ciblés, ainsi qu’à une dictée métacognitive toutes les deux semaines. En combinant différentes approches, il n’est pas impératif de la faire quotidiennement. Un minimum de deux fois par semaine est intéressant, car la fréquence est l’un des principes clés de cette pratique. Plus les élèves seront exposés à différentes façons de faire et à des manipulations syntaxiques, plus ils en bénéficieront.
Tout dépend de votre intention pédagogique. Voulez-vous avoir accès à un débat entourant l’orthographe des mots (phrase dictée) ou alors travailler la morphosyntaxe et automatiser les classes des mots et fonctions de la phrase (phrase déjà écrite) ? Le mot clé : variété ! Vos élèves ayant des difficultés motrices ou une dyslexie-dysorthographie auront avantage à ne pas écrire à la main une phrase dictée alors que pour d’autres élèves, avoir la possibilité d’accéder aux raisonnements orthographiques lors d’un débat sera totalement bénéfique.
Il existe en effet des cahiers préparés comprenant des phrases du jour déjà créées. Personnellement, j’utilise ces cahiers, mais plutôt comme aide de travail autonome ou en équipes, après avoir enseigné avec mes propres phrases du jour. Pourquoi ? Créer nos propres phrases du jour nous permet de choisir judicieusement la phrase en fonction de ce que nous souhaitons faire travailler à nos élèves. Si vous utilisez des phrases que vous n’avez pas écrites ou que vous n’avez pas soigneusement sélectionnées dans un album jeunesse, l’exercice sera certes intéressant, mais il ne sera pas aussi efficace pour piéger ou faire réfléchir vos élèves avec certaines notions préalablement étudiées. Ou encore, pour utiliser la phrase du jour comme point d’enseignement d’une nouvelle notion, ce qui peut également être très intéressant. Je préfère donc créer mes propres phrases ou les choisir dans un album jeunesse en vue d’une analyse syntaxique ou d’une réécriture à la manière de l’auteur.
La variété des phrases du jour est essentielle pour en maximiser l’efficacité. Il est important que les élèves puissent transférer leurs apprentissages dans différents contextes. Si la phrase du jour se limite toujours au même cahier, avec les mêmes couleurs, et si les élèves ne sont jamais amenés à écrire une phrase dictée, en suivant les mêmes étapes chaque semaine, cela devient moins bénéfique. Même si la fréquence est bonne. Est-ce que vos élèves sont capables de mettre un astérisque vis-à-vis d’un complément de phrase ou savent-ils seulement le souligner en vert ? Il est important de varier les consignes (sans pour autant perturber les élèves inutilement), mais surtout de diversifier la forme de la phrase du jour.
Parfois, ce sera une phrase déjà écrite dans un cahier pour les matins où je dispose de moins de temps. D’autres fois, ce sera une phrase tirée d’un album ou une phrase que je vais dicter.
Ma recette pour travailler la phrase du jour
Le lundi matin, j’aborde l’analyse grammaticale et la morphosyntaxe. Je choisis :
soit une phrase dictée pour réinvestir une notion spécifique, par exemple l’utilisation d’un adjectif après le verbe être,
soit une phrase mentor à analyser, puis les élèves doivent la réécrire à la manière de l’auteur dans un album.
Parfois, j’écris simplement une phrase au tableau et les élèves doivent la réécrire en répondant à certaines consignes. Nous avons un code de couleur spécifique pour la correction, mais de temps en temps, je varie les consignes. Je veille à ne jamais mélanger les couleurs pour ne pas perturber mes élèves en difficulté. Par exemple, au lieu de mettre le groupe complément de phrase en vert, je peux leur demander de mettre un cœur au-dessus des mots qui composent le complément de phrase. Cela me permet d’évaluer si les élèves ont développé une certaine flexibilité mentale. Il est important qu’ils soient capables de faire preuve d’adaptabilité de temps en temps. Ce type de tâche nous permet de vérifier s’ils sont capables de réinvestir leurs connaissances dans d’autres contextes.
Le jeudi matin, pour la deuxième phrase du jour de la semaine, j’ai une autre intention spécifique en tête. Je profite souvent de cette occasion pour introduire un mot inconnu, ce qui me permet de travailler avec les élèves les stratégies de découverte du sens des mots inconnus dans le contexte (utilisant des stratégies telles que le recours au contexte ou l’analyse morphologique). Cette phrase comprend donc un « mot du jour » qui suscite l’intérêt des élèves. J’aime sélectionner des mots inconnus à partir de la plateforme de l’auteur hilarant Daniel Brouillette, qui rencontre un franc succès auprès de mes élèves. En plus de poursuivre notre analyse grammaticale et de développer le métalangage, il est important d’utiliser les termes appropriés avec les élèves et d’éviter les formulations simplistes comme « le truc machin chose dans la grammaire 3D », nous travaillons également nos stratégies pour découvrir le sens des mots inconnus et nous analysons ce mot en mettant en évidence les régularités orthographiques qu’il présente.
À retenir
La pratique de la phrase du jour est véritablement une source de richesse. Elle permet de travailler le métalangage, de développer le doute orthographique, d’approfondir l’analyse grammaticale et la morphosyntaxe, tout en favorisant l’acquisition de stratégies pour découvrir le sens des mots inconnus. C’est un moment privilégié d’enseignement et d’échange qui revêt une grande importance.
- En créant nos propres phrases du jour ou en les sélectionnant judicieusement dans des albums jeunesse, nous pouvons adapter cette pratique à nos objectifs d’enseignement et favoriser le transfert des apprentissages dans des contextes différents.
- En variant les consignes, les formes de phrases et les stratégies utilisées, nous encourageons également la flexibilité mentale des élèves.
- En combinant la phrase du jour à d’autres pratiques pédagogiques complémentaires, nous enrichissons l’expérience d’apprentissage et maximisons les bénéfices pour nos élèves.
- En donnant la parole aux élèves, nous leur offrons l’occasion d’utiliser un langage approprié, d’observer leurs pairs, de réfléchir et d’exprimer leurs opinions, de dialoguer et de comprendre les différentes perspectives.
Il serait dommage de réduire la portée de la phrase du jour à de simples exercices à effectuer en solitaire pendant la routine matinale. Bien que ces exercices aient leur valeur, ils ne sont pas aussi bénéfiques que l’exploitation complète de la richesse que peut offrir la phrase du jour. En tant qu’enseignants, nous avons le pouvoir d’enrichir cette pratique et de lui donner une dimension plus profonde, créant ainsi une expérience d’apprentissage plus enrichissante et épanouissante pour nos élèves.
Pour aller plus loin
- L’article La « dictée 0 faute » et la « phrase dictée du jour » : un début de solution aux difficultés en orthographe grammaticale
- Charron, A., Dupin de Saint-André, M., et Montésinos-Gelet, I., La lecture et l’écriture : fondements et pratiques à l’éducation préscolaire et au 1er cycle du primaire. (2022). Chenelière éducation
- Dupin de Saint-André, M., Montésinos-Gelet, I et Tremblay, O., La lecture et l’écriture : fondements et pratiques 2e et 3e cycles du primaire. (2022). Chenelière éducation
- Charron, A., Dupin de Saint-André, M., et Montésinos-Gelet, I., La lecture et l’écriture : fondements et pratiques à l’éducation préscolaire et au 1er cycle du primaire. (2022). Chenelière éducation
- Dupin de Saint-André, M., Montésinos-Gelet, I et Tremblay, O., La lecture et l’écriture : fondements et pratiques 2e et 3e cycles du primaire. (2022). Chenelière éducation
Un peu plus sur l'autrice
Détentrice d’un baccalauréat en adaptation scolaire et sociale, Marie-Philippe a travaillé en classes spécialisées ainsi qu’en orthopédagogie en milieux scolaires et privés. Présentement gestionnaire et créatrice de contenus à l’Institut des troubles d’apprentissage du Québec, elle satisfait sa curiosité professionnelle en collaborant avec des experts et pédagogues passionnés. Consultante pour l’entreprise ALEO VR, Marie-Philippe conçoit des jeux visant à rééduquer les troubles spécifiques en lecture grâce à la réalité virtuelle. Elle a également fondé l’entreprise ScolAide qui vise à outiller le plus grand nombre d’enseignants et d’élèves en difficulté par le biais de conférences, consultations, capsules vidéos et documentation en ligne. Passionnée de littérature jeunesse et récipiendaire du prix Étincelle de reconnaissance en lecture du MEES, elle a complété un microprogramme en didactique cognitive des difficultés d’apprentissage de la lecture-écriture à l’UQAM et collabore au blogue J’enseigne avec la littérature jeunesse.