Introduction
En tant qu’enseignants de français, nous sommes parfois pris dans une équation qui mène à un résultat négatif. Nous devons combiner l’évaluation de la lecture tout en considérant le fait que bien des élèves n’aiment pas lire ces titres que nous leur donnons et que certains ont de grandes difficultés à le faire! Dans ce cas, comment avoir un portrait clair des compétences en lecture de nos élèves? D’abord, considérons la possibilité de ne pas tout évaluer, mais aussi, et surtout, de le faire autrement et de manière inclusive!
Devons-nous toujours tout évaluer?
L’évaluation fait partie de notre culture scolaire. Cependant, est-elle toujours nécessaire? Est-ce que toutes les œuvres intégrales lues doivent être évaluées? En classe, particulièrement en ce qui a trait à la lecture, j’aime beaucoup appliquer ce que Sophie Gagnon-Roberge (mieux connue sous le nom de Sophielit) appelle « Le filtre de la vraie vie ». Au quotidien, quel lecteur est évalué chaque fois qu’il lit un texte? Certes, nous avons le mandat de voir si les compétences sont acquises, mais nous avons surtout le mandat de les développer. Et pour ce faire, il n’est pas toujours nécessaire d’évaluer. On peut lire pour modéliser, lire pour discuter, lire pour réfléchir. L’évaluation ne devrait pas être notre raison première pour faire lire une œuvre à nos élèves. Ce devrait plutôt être une finalité parmi tant d’autres.
Évaluer autrement
Le questionnaire écrit fait partie des évaluations traditionnelles de la lecture de romans (ou de toute autre œuvre intégrale). Que nous laissions, aux élèves, la possibilité d’y répondre avec ou sans leur livre, avec ou sans feuille de prise de notes, c’est une évaluation très commune dans les cours de français. Pourtant, à aucun endroit dans le Programme de formation de l’école québécoise, il n’est indiqué que la lecture d’œuvre intégrale doit être accompagnée d’un tel examen. N’est-ce pas un signe que cette façon de faire est désuète? Qu’il faut la repenser?
Oui, mais comment?
Il n’est pas question ici de tout jeter et de recommencer à neuf. C’est faisable, certes, mais est-ce réaliste? Plus ou moins. Varier ses évaluations pour les rendre plus inclusives, c’est avant tout donner du choix à nos élèves et éviter de toujours évaluer de la même façon, pour mieux répondre aux besoins diversifiés d’une classe.
Pour y arriver, nous pouvons tout d’abord prendre nos questionnaires comme point de départ. À partir de ceux-ci, nous pouvons faire des évaluations moins traditionnelles, mais qui se rapprochent tout de même de ce à quoi nous sommes habitués :
- Remettre, en même temps que le roman, un journal de lecture dans lequel se trouvent quelques-unes de nos questions et permettre aux élèves d’y répondre PENDANT leur lecture, au moment où ceux-ci le souhaitent. Nous enlevons ainsi le stress lié à l’évaluation dans un contexte plus strict. Nous pourrions même aller jusqu’à leur demander de sélectionner les questions auxquelles les élèves ont envie de répondre dans une liste précise!
- Utiliser nos questions pour faire des cercles de lecture. En fournissant les questions à l’avance aux élèves, nous leur laissons le soin de se préparer. Si nous voulons éviter que les élèves aient tous les mêmes réponses, nous pouvons leur fournir des questions différentes à chacun!
Avec ces deux activités très simples, nous réutilisons ce que nous avons déjà, mais nous nous éloignons de l’évaluation rigide.
Nous pouvons aussi aller complètement ailleurs et faire ressortir le côté artistique des élèves en proposant des évaluations qui tendent vers le projet. Il existe tellement de possibilités sur le net, quelques clics suffisent à s’inspirer : abécédaire, page Facebook ou Instagram d’un personnage, vidéo TikTok pour rendre compte de son appréciation, vidéo de type « Booktube », création d’une liste de chansons pour accompagner la lecture du roman, rédaction d’une nouvelle fin…
Laisser du choix!
Pourquoi ne pas laisser aux élèves la possibilité de choisir leur évaluation? Les élèves mettront à profit leurs forces pour bien témoigner de leur compréhension! Naturellement, ils ont tous des compétences différentes, c’est donc logique que les tâches demandées puissent refléter cette diversité! Nous pouvons le faire de plus d’une manière :
- En leur donnant une liste d’activités possibles. Nous voulons tout de même évaluer les quatre dimensions de la lecture (comprendre, interpréter, réagir, apprécier)? Nous créons une liste avec plusieurs choix de travaux pour chacune des dimensions!
- En leur donnant la possibilité de répondre à l’oral. Les applications pour s’enregistrer sont nombreuses. Pourquoi ne pas en profiter pour permettre aux élèves qui se sentent moins outillés en écriture de répondre à une ou deux questions oralement et de s’enregistrer? Avec les questions à plus long développement, ça devient un outil très chouette!
- En leur laissant choisir les questions auxquelles répondre. Toujours avec les questions à long développement, nous pouvons donner plusieurs choix aux élèves et leur demander de répondre à un certain nombre de questions.
Bref, il est possible de rendre le résultat de l’équation positif et, pour cela, il n’est pas obligatoire de tout retirer! Il suffit de varier ses évaluations et de ranimer la motivation de l’élève en lui laissant du choix!
Pour aller plus loin
- La Bibliomaniaque. https://labibliomaniaque.ca/2018/08/27/le-journal-de-lecture/
- Flambert, A.-A. (2014). Journal de lecture pour enseignantes et enseignants. Éditions JFD. https://www.leslibraires.ca/livres/journal-de-lecture-pour-enseignantes-et-alex-anne-flambert-9782897993955.html
- Lépine, M., Émery-Bruneau, J., Hétu, S. et Marcil-Levert, J. (2021). Comment bonifier les pratiques d’évaluation de la lecture de textes littéraires? RIRE, Réseau d’information pour la réussite éducative. https://rire.ctreq.qc.ca/bonifier-pratiques-evaluation-textes-litteraires-1-3/.
- Gagnon-Roberge, S. (2023). L’enseignement de la lecture – Penser au filtre de la vraie vie. Sophielit.ca. http://sophielit.ca/nouvelle.php?cat=4&id=687.
Un peu plus sur l'autrice
C’est depuis mon propre secondaire que je sais que je veux enseigner le français aux ados. Toutefois, c’est lors de mon parcours universitaire que le déclic s’est fait et que j’ai compris que ma mission, en tant qu’enseignante, serait de valoriser et de démocratiser la lecture. Depuis presque sept belles années, je le fais dans ma classe, en plus de le faire grâce à mon blogue, La Bibliomaniaque.