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Enseigner sans cahiers : un changement menant à de nouvelles approches pédagogiques

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Introduction

Est-ce qu’enseigner sans cahiers est une mode passagère au même titre que porter des bas dans ses sandales? Il est normal de se poser la question puisque, depuis quelques années, nous voyons cette pratique omniprésente dans de nombreuses formations et même sur les réseaux sociaux et regroupements d’enseignants. En quoi est-ce bénéfique pour tous nos élèves? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Comment s’y prendre? C’est ce que vous découvrirez dans l’article qui suit.

Enseigner sans cahiers, un plus pour la motivation scolaire

Pour plusieurs enseignants, enseigner sans cahiers peut être une source de motivation quotidienne. En effet, cela nous permet de choisir nos thèmes ou encore de sélectionner nos activités préférées sans toutefois se sentir dans l’obligation de compléter un cahier. Mais qu’en est-il pour les élèves? Selon le modèle de la motivation en contexte scolaire de Viau (1997), l’une des principales sources influençant l’engagement cognitif et la persévérance des élèves serait la valeur accordée à l’activité. En d’autres mots, les perceptions des élèves envers une tâche donnée auraient une influence directe sur leur attitude face à celle-ci. Plus une tâche est signifiante, plus les élèves sont engagés, persévérants et investis de l’amorce à la consolidation. De là l’intérêt de faire des projets qui offrent des contextes réels d’apprentissages, ce qui se retrouve moins souvent dans les cahiers d’exercices. Avec nos années d’expérience dans l’enseignement, nous avons eu la preuve tangible que de varier nos approches pédagogiques en sortant du cahier contribuait positivement à la motivation de la majorité des élèves. 

Sachez que d’autres auteurs s’allient à Viau (1997) (Gaspard et al, 2018 ; Plante et al, 2013 ; Schunk Meece et Pintrich, 2014) et mentionnent que la motivation scolaire est tributaire de deux facteurs : l’atteinte du succès et la valeur attribuée à la tâche. Encore une fois, ce dernier facteur renvoie à l’intérêt de l’élève pour ce qu’il va faire, mais aussi au plaisir qu’il va en retirer en faisant la tâche. Cela est essentiel pour tous les élèves, notamment ceux qui ont des défis d’apprentissages. Finalement, en tant qu’enseignant.e, posez-vous cette question : lorsque vous vivez une activité que vous aimez particulièrement avec vos élèves, celle-ci se retrouve-t-elle plus souvent à l’horaire? Remplacer les cahiers par des projets interdisciplinaires, des ateliers, l’utilisation de la littérature jeunesse (et plus encore) contribue donc à la motivation des élèves comme de l’enseignant.

La différenciation au cœur du quotidien

Dans notre quotidien, l’enseignement sans cahiers facilite la différenciation pédagogique auprès des élèves. Nous ne retournerons jamais en arrière puisque ce changement de pratique nous permet de mieux soutenir notre groupe. En effet, n’ayant pas de cahiers, il est plus facile de travailler avec nos élèves du palier 2 (en référence au modèle de réponse à l’intervention RAI) parce que nous pouvons cibler des activités qui répondent à leurs besoins spécifiques.

  • Nous plaçons souvent nos élèves en contexte d’ateliers rotatifs, permettant ainsi de créer des sous-groupes de besoin, de faire la consolidation ou encore de revoir certaines notions avec les élèves. 

  • Les ateliers peuvent varier en fonction des élèves. Par exemple, dans un atelier où il devra travailler l’inférence à l’aide de courts textes, il sera possible de cibler le niveau de difficulté adapté à ses capacités.

  • Par ailleurs, travailler en atelier permet à l’élève de progresser à son rythme sans être confronté à des pages de cahiers qu’il n’est pas en mesure de terminer dans un délai déterminé.

Le travail d’équipe, un levier pour les apprentissages

L’enseignement sans cahiers fait en sorte que nous faisons beaucoup plus de projets avec nos élèves. Ces derniers travaillent alors en dyades ou en petits groupes de façon presque quotidienne. Nous pouvons donc décider de former des équipes selon les forces et les défis de chacun. 

  • En plus d’être un facteur motivationnel pour les enfants, c’est un levier d’intervention pour les enseignants, car le pairage permet les rétroactions directes entre pairs. Elles sont bénéfiques à tous, surtout à nos élèves rencontrant des défis. Recevoir quotidiennement des commentaires amène l’élève à réfléchir, à comprendre ses forces et les points à travailler.

  • En travaillant en équipe, nos élèves sont exposés à d’autres raisonnements, modèles et productions. Lors des ateliers d’écriture, nous paierons nos élèves selon leur profil d’apprenant ; ils peuvent donc commenter le texte de l’autre en lui faisant des propositions pour l’améliorer tout en prenant des notes pour améliorer son propre texte.

  • Finalement, travailler en équipe amène les élèves à diviser le travail en fonction des forces de chacun, certains obstacles relatifs à la lecture et l’écriture peuvent donc être contournés chez nos élèves ayant des troubles d’apprentissage spécifiques.

Laisser tomber les cahiers, aussi dur que monter l’Everest?

Maintenant que vous êtes convaincus des impacts positifs de l’enseignement sans cahiers, vous avez peut-être envie de vous lancer. Comment faire? Voici 3 conseils pratiques pour vous lancer sans trop de tracas :

3 étapes simples par lesquelles nous sommes passées

Au cours des dernières années, nous avons expérimenté l’enseignement sans cahiers et avons développé quelques trucs.

Ressortir les outils de références

Lorsqu’on laisse tomber les cahiers, il se pourrait qu’un sentiment d’insécurité survienne : pour plusieurs, ils représentent un guide à suivre pour l’année. Détrompez-vous, les connaissances et les compétences à développer chez les élèves se retrouvent toutes dans nos documents de références ministériels. Si vous décidez de laisser tomber votre cahier dans une ou plusieurs matières, vous retrouverez tout ce que vous aurez à enseigner dans la Progression des apprentissages ainsi que le Programme de formation de l’école québécoise.

Une fois votre planification annuelle achevée, la plus grande partie du travail sera faite. Vous aurez ainsi une base sur laquelle vous appuyer que vous pourrez ajuster année après année sans tout recommencer.

Penser aux thèmes à inclure dans une planification sans cahiers

Au début de l’année scolaire, une fois que la planification globale est faite, trouvez des thèmes pour guider vos séquences d’enseignement. Généralement, ces thèmes ont une durée de 4 à 6 semaines et s’enchaînent les uns après les autres. C’est un moment idéal pour laisser aller votre créativité, car vous n’avez pas de limites. Tous les sujets peuvent être abordés! Lorsque vous connaîtrez un peu plus vos élèves, vous pourrez choisir des thèmes qui touchent directement leurs centres d’intérêt. De notre côté, ces grandes thématiques rejoignent souvent plus d’une matière.

Se questionner sur notre approche pédagogique

Laisser tomber les cahiers d’exercices ne signifie pas devoir bâtir toutes les activités de A à Z ou remplacer des pages de cahiers par des feuilles d’exercices. Un travail important à faire lors de la planification est de se questionner sur le genre d’activités qui remplacera les cahiers. Allez-vous faire des causeries mathématiques? Utiliserez-vous le matériel de manipulation pour comprendre les fractions? Quels albums permettent de travailler la dimension de la réaction en lecture? Comment enseigner la démarche scientifique de façon significative? Une multitude d’activités d’apprentissages s’offrent à vous, mais l’essentiel est de guider vos choix en ayant une intention pédagogique claire appuyée sur des pratiques probantes. 

Avec le thème et les activités d’apprentissages en tête, il ne vous reste qu’à recenser ce qui existe déjà pour éviter de devoir tout bâtir. Depuis quelques années, une communauté d’entraide s’est construite à travers la province. Plusieurs enseignants qualifiés ayant le souci du détail et d’être conforme aux encadrements légaux offrent des activités à faire avec vos élèves. D’ailleurs, vous retrouverez un guide partageant les questions à se poser avant d’utiliser une ressource trouvée en ligne.

Pour aller plus loin

À lire

L’approche entrepreneuriale : un aménagement de travail collaboratif par projets

Enseigner autrement :  tomes 1 et 2

Fréchette-Simard, C., Plante, I., Dubeau, A. et Duchesne.S. (2019) La motivation scolaire et ses théories actuelles : une recension théorique. Revue des sciences de l’éducation de McGill. Montréal

Lafortune, L. (2010). Pédagogie du projet et développement des compétences transversales : un changement de posture pédagogique. Education Canada, 39 (5), 16-20.


Dumas, B. et M. Leblond (2002). Les rôles de l’enseignant en pédagogie de projet (PDF). Québec français. Repéré sur Érudit.

Références bibliographiques

Fréchette-Simard, C., Plante, I., Dubeau, A. et Duchesne.S. (2019) La motivation scolaire et ses théories actuelles : une recension théorique. Revue des sciences de l’éducation de McGill. Montréal

Lafortune, L. (2010). Pédagogie du projet et développement des compétences transversales : un changement de posture pédagogique. Education Canada, 39 (5), 16-20.

Goyer, A., Poulin, P. (2020). Enseigner autrement : activités, astuces et conseils pour toute l’année scolaire (tome 1). Éditions Saint-Jean.

Goyer, A., Poulin, P. (2022). Enseigner autrement : tome2. Éditions Saint-Jean.

Alexandra Goyer et Pier-Ann Poulin
Enseignantes au primaire

Un peu plus sur les autrices

Alexandra Goyer 

Diplomée d'études de 2e cycle majoritairement orientées sur la relation d'attachement, Alexandra enseigne maintenant depuis 12 ans au 3e cycle du primaire. Elle a un intérêt marqué pour tout ce qui touche la relation enseignant-élève. Son mot d'ordre : bienveillance ; une valeur qu'elle désire propager afin d'éduquer la communauté enseignante sur la violence éducative ordinaire. Également auteure de deux ouvrages pédagogiques sur l'enseignement sans cahiers, elle partage son quotidien et ses projets sur les réseaux sociaux et son site web qui se veulent des ressources pertinentes pour les enseignantes qui désirent faire autrement dans leurs classes. 

Pier-Ann Poulin

Enseignante depuis plus de 10 ans au primaire, Pier-Ann se spécialise dans tout ce qui a trait à l'évaluation au primaire,  étant titulaire d'une maîtrise sur le même sujet. Également auteure des deux ouvrages Enseigner autrement tome 1 et tome 2, elle se spécialise dans l'enseignement sans cahiers et la démonstration diversifiée des compétences des élèves. À force de partager son quotidien et ses projets avec la communauté enseignante, elle a développé une expertise qui l'amène avec sa collègue Alexandra à offrir des formations sur le sujet.

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