Des évaluations flexibles et inclusives au secondaire
Introduction
Saviez-vous que l’apprenant moyen n’existe pas? Effectivement, c’est plutôt la diversité qui est devenue la norme dans les classes. Alors, il devient intéressant de se demander comment nous, les éducateurs, pouvons bonifier notre approche évaluative sans tout remettre en question. La conception universelle de l’apprentissage (CUA) pourrait être la clé de ce questionnement.
Qu’est-ce que la CUA?
La CUA (conception universelle de l'apprentissage) est une posture pédagogique flexible et inclusive qui permet à l’enseignant de répondre aux besoins de tous les apprenants incluant les élèves à besoins particuliers, tout comme une rampe d’accès qui permet aux personnes en situation de handicap ainsi qu’aux poussettes de contourner des escaliers.
L’enseignant conçoit son cours en tenant compte, en amont, des obstacles qui pourraient nuire à l’apprentissage, que ce soit pour un jeune vivant des défis sur le plan académique, mais également sur les plans sociaux ou affectifs.
3 grands principes de la CUA
L’enseignant offre, à ses élèves, des stratégies, des ressources et des outils variés selon trois principes établis par le Center for Applied Special Technology (CAST), leadeur en recherche éducative depuis 40 ans : l’engagement, la représentation et l’action-expression.
L’engagement consiste à mettre en place différents moyens de motiver et d’engager les élèves quotidiennement.
Pour la représentation, il s’agit de rendre l’information, les consignes et le contenu d’un cours accessible à tous par des moyens variés tels le texte, la vidéo ou l’audio.
L’action-expression permet aux élèves de démontrer leurs apprentissages par des moyens divers : à l’oral, à l’écrit ou en vidéo par exemple.
La notion de choix est donc au cœur de la pédagogie universelle. La CUA vise également à aider les élèves à devenir des apprenants experts, c’est-à-dire débrouillards, bien informés et compétents, des apprenants qui ont envie d’apprendre et qui optimisent leur apprentissage.
Évaluation inclusive, qu’en est-il?
Tout comme pour les stratégies d’enseignement, l’évaluation demande l’adoption d’une posture flexible et inclusive. Il s’agit d’ajuster les évaluations et non pas de les modifier complètement. Mais comment?
Présenter les questions de diverses façons (en ligne, en classe, en dehors des cours) et proposer plusieurs choix de questions auxquelles répondre pour démontrer une même compétence.
Mettre l’accent sur l’effort et l’amélioration durant le processus d’apprentissage (ex. : donner de la rétroaction ou même donner un badge numérique).
Morceler le travail en différentes parties en indiquant le but pour chacune d’elles (Partie A, Partie B, Partie C) afin que l’élève ne voie pas la tâche comme une montagne.
Donner des directives claires et sous diverses formes : à l’oral, par écrit et en ligne.
S’assurer que les élèves comprennent l’intention du travail : le quoi, le pourquoi et le comment?
Demander la rétroaction des élèves (sondage, billet de sortie, pouce vers le haut) pour valider leur compréhension.
Présenter les critères d’évaluation pour chacune des modalités d’évaluation demandées.
Rendre des outils (coquilles, séparateurs, objets de manipulation, chronomètre affiché au tableau, outils technologiques et autres types de soutien) accessibles à tous les élèves.
Donner du temps aux élèves pour que ceux-ci puissent planifier et organiser leurs tâches (Studyo, MyStudyLife, agenda papier).
Donner de la rétroaction spécifique, régulière et en continu pour toujours permettre à l’élève de s’améliorer.
Varier les moyens de rétroaction (orale, verbale enregistrée, par écrit, comité d’évaluation, jury) et prendre du temps avec chaque élève pour discuter de ses erreurs (Vocaroo pour faire de la rétroaction audio).
Permettre aux élèves de démontrer leurs compétences sous diverses formes : à l’oral, à l’écrit, avec l’utilisation du numérique, etc.
Il existe beaucoup d'autres stratégies.
Et les enseignants? L’expérience vécue au Collège Sainte-Anne
Comme pour tout changement, on peut s’attendre à une période d’ajustement. Au début, la perception d’iniquité peut être un souci important, car de façon générale, les gens ont tendance à croire que les élèves sous plan d’intervention perdent leurs « avantages » lorsque les mesures adaptatives sont offertes à tous. Puis, avec les formations et lectures suggérées, l’intégration de cette posture se fait de façon progressive d’un niveau à l’autre.
Cependant, certaines contraintes imposées par les épreuves ministérielles peuvent limiter la flexibilité des mesures d’aide universelles. Par exemple, comme seuls les élèves sous plan d’intervention ont droit au tiers temps aux yeux du Ministère, il parait difficile de donner du temps supplémentaire à tous pour chacune des évaluations en cours d’année comme le veulent les principes de la CUA. En effet, cette posture inclusive implique l’utilisation des outils, que l’élève ait un plan d’intervention ou non. Il y a aussi le besoin que ressentent les enseignants de faire pratiquer les élèves en vue de ce qui les attend aux études postsecondaires.
Quelle est la solution à notre école? Pour certaines évaluations dont la pondération est plus importante, seuls les élèves à besoins particuliers pourraient avoir droit au tiers temps. Donc, pour un cours de 60 minutes, 45 minutes sont allouées à l’évaluation et 15 minutes de temps supplémentaire à tous.
Quels en sont les bénéfices? Il y a moins d’isolement et un meilleur sentiment d’appartenance lorsque tous les élèves restent en classe pour les évaluations. De plus, en ayant des évaluations plus courtes, les élèves peuvent morceler leurs tâches plus facilement et ainsi être mieux concentrés.
Aujourd’hui, la notion de choix est bien ancrée dans certains milieux où il est fréquent de voir les élèves (avec ou sans plan d’intervention) utiliser les fonctions d’aide des outils technologiques, des objets de manipulation antistress, des coquilles antibruits et des romans audios pour ne nommer que quelques exemples.
En somme, la conception universelle de l’apprentissage permet de réduire et même d’éliminer les obstacles à l’apprentissage, et ce, même en contexte d’évaluation, répondant ainsi aux besoins d’un plus grand nombre d’élèves. Quoi de mieux que de nourrir un sentiment d’accomplissement plutôt que de leur faire vivre de l’exclusion auprès de leurs pairs?
Pour aller plus loin
Belleau, J. (2015). Dossier CAPRES – La conception universelle de l’apprentissage (CUA), Québec, Québec : CAPRES. Repéré à 15.04-Dossier-CAPRES-CUA.pdf (versunecoleinclusive.fr)
Brassard, C. (2016, 26 mai). La conception universelle de l’apprentissage et l’encadrement FAD: quels impacts, quels besoins? Communication présentée au Colloque du REFAD, Université d’Ottawa, Ottawa. Repéré à Presentation-REFAD-20mai.pptx (live.com)
CAST. (2011). Lignes directrices de la conception universelle de l’apprentissage. Wakefield, MA : Author. Repéré à Guidelines_JAN2011_3_french (cast.org)
Les applications pédagogiques de la conception universelle de l'apprentissage (pcua.ca)
Conseil supérieur de l’éducation (2017, octobre). Pour une école riche de tous ses élèves. S’adapter à la diversité des élèves de la maternelle à la 5e année du secondaire. Repéré à Pour une école riche de tous ses élèves : S’adapter à la diversité des élèves, de la maternelle à la 5e année du secondaire (gouv.qc.ca)
Leroux, M. et Paré, M. (2016). Mieux répondre aux besoins diversifiés de tous les élèves: des pistes pour différencier, adapter et modifier son enseignement. Montréal: Chenelière éducation, p. 36-37. Avec la permission de TC Média Livres inc.
Senécal, I. (2017). La pédagogie inclusive : conception universelle de l’apprentissage. Repéré àConception_universelle_apprentissage.pdf (sainteanne.ca)
Ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick (MÉDPE). (2017). Des apprenants experts. Formation en pédagogie inclusive pour les enseignants-ressource novices. Repéré à Accueil (nbed.nb.ca)
Turcotte, P. (2017, 27 avril). Pour un usage plus inclusif des TIC. Communication présentée au Collège LaSalle, Montréal, Québec. Repéré àPour une utilisation des TIC qui n’exclut personne : compte rendu d’une conférence de Paul Turcotte - Éductive (eductive.ca)
Un peu plus sur les autrices
Cathy Brazeau
Directrice du développement pédagogique au Collège Sainte-Anne et chargée de cours au 3e cycle de l’Université de Sherbrooke en gestion de l’éducation, Mme Brazeau s’intéresse depuis plusieurs années à la pédagogie inclusive et universelle, une posture à laquelle elle a formé plusieurs enseignants, conseillers pédagogiques et directions, dans des milieux scolaires, à la Fédération des établissements d’enseignement privés et en France pour l’académie de Poitiers.
Alberta Baho
Orthopédagogue au Collège Sainte-Anne pour tous les niveaux, Mme Baho intègre la CUA à sa pratique au bénéfice des élèves et de tout le personnel de l’école. Ses nombreuses collaborations lui ont permis de partager ses connaissances et son expertise dans ce domaine au sein de différentes équipes et organisations.